COLLECTION « IMAGO MUNDI »

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Copyright © Carraud-Baudry, 2001-2025 



Sauf mentions contraires (copyright – ©) la substance du corps des textes de cette collection
relève du « domaine public », mais n'en relèvent pas nécessairement les éditions que nous en proposons, non plus que certains des textes annexes les commentant, certaines préfaces ou postfaces, par exemple
.


THÉÂTRE…


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  • LISTE DES AUTEURS DES TEXTES DE LA COLLECTION (IMAGO MUNDI)


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  • LISTE DES TITRES DES TEXTES DE LA COLLECTION (IMAGO MUNDI)


    Une appréciation, toute subjective, concernant l'attrait de chacun des textes proposés figure dans les rubriques ci-dessous. Plus notre jugement (noté par une ou plusieurs croix) est favorable, plus le nombre de croix est important.

    THÉÂTRE — (++++) —


    Les pièces les plus remarquables de William Shakspeare nous semblent être Macbeth et Hamlet.

    Sans conteste à nos yeux, en effet, ses sombres histoires pleines de violences pas toujours contenues, ces sombres histoires de désir, d'ambition, de dissimulation, de trahison, de meurtre, de vengeance, mettant en scène les passions humaines les plus fortes, les plus tragiques, peignent avec une âpreté sans pareil l'homme tel qu'il fut, tel que toujours il demeure, l'« homme sempiternel ».

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    Extrait de MACBETH ; traduction en français par François-Victor Hugo (acte I, fin de la scène VII) :

    « Macbeth.

    « Nous n'irons pas plus loin dans cette affaire. Il vient de m'honorer ; et j'ai acheté de toutes les classes du peuple une réputation dorée qu'il convient de porter maintenant dans l'éclat de sa fraîcheur, et non de jeter sitôt de côté.

    « Lady Macbeth.

    « Était-elle donc ivre, l'espérance dans laquelle vous vous drapiez ? S'est-elle endormie depuis ? Et ne fait-elle que se réveiller pour verdir et pâlir ainsi devant ce qu'elle contemplait si volontiers ? Désormais je ferai le même cas de ton amour. As-tu peur d'être dans tes actes et dans ta résolution le même que dans ton désir ? Voudrais-tu avoir ce que tu estimes être l'ornement de la vie, et vivre couard dans ta propre estime, laissant un je n'ose pas suivre un je voudrais, comme le pauvre chat de l'adage ?

    « Macbeth.

    « Paix ! Je te prie. J'ose tout ce qui sied à un homme ; qui ose au delà n'en est plus un.

    « Lady Macbeth.

    « Quelle est donc la bête qui vous a poussé à me révéler cette affaire ? Quand vous l'avez osé, vous étiez un homme ; maintenant, soyez plus que vous n'étiez, vous n'en serez que plus homme. Ni l'occasion, ni le lieu ne s'offraient alors, et vous vouliez pourtant les créer tous deux. Ils se sont créés d'eux-mêmes, et voilà que leur concours vous anéantit. J'ai allaité, et je sais combien j'aime tendrement le petit qui me tette : eh bien, au moment où il souriait à ma face, j'aurais arraché le bout de mon sein de ses gencives sans os, et je lui aurais fait jaillir la cervelle, si je l'avais juré comme vous avez juré ceci !

    « Macbeth.

    « Si nous allions échouer ?

    « Lady Macbeth.

    « Nous, échouer ? Chevillez seulement votre courage au point résistant, et nous n'échouerons pas. Lorsque Duncan sera endormi, (et le rude voyage d'aujourd'hui va l'inviter bien vite à un somme profond), j'aurai raison de ses deux chambellans avec du vin et de l'ale, à ce point que la mémoire, gardienne de leur cervelle, ne sera que fumée, et le récipient de leur raison qu'un alambic. Quand le sommeil du porc tiendra gisant, comme un mort, leur être submergé, que ne pourrons-nous, vous et moi, exécuter sur Duncan sans défense ? Que ne pourrons-nous imputer à ses officiers, placés là, comme des éponges, pour absorber le crime de ce grand meurtre ?

    « Macbeth.

    « Ne mets au monde que des enfants mâles ! Car ta nature intrépide ne doit former que des hommes… Ne sera-t-il pas admis par tous, quand nous aurons marqué de sang ses deux chambellans endormis et employé leurs propres poignards, que ce sont eux qui ont fait la chose ?

    « Lady Macbeth.

    « Qui osera admettre le contraire, quand nous ferons rugir notre douleur et nos lamentations sur sa mort ?

    « Macbeth.

    « Me voilà résolu : je vais tendre tous les ressorts de mon être vers cet acte terrible. Allons, et jouons notre monde par la plus sereine apparence. Un visage faux doit cacher ce que sait un cœur faux.

    « (Ils sortent.) »

    (In : SHAKESPEARE. Macbeth – Hamlet. Traduction de François-Victor Hugo. Paris : Librairie Gründ, s.d. 253 p. Acte I, fin de la scène VII ; p. 25-27).


    Extrait de HAMLET ; traduction en français par Pierre Letourneur de la tirade célèbre de Hamlet (acte III, scène I) :

    « Être ou n'être pas, c'est la question… Y a-t-il plus de noblesse d'âme à souffrir les traits et les aiguillons de la fortune outrageante, ou bien à s'armer contre un océan de maux, et à les combattre en y mettant un terme ?… Mourir… dormir… rien de plus… Et à la faveur de ce sommeil, pouvoir dire que nous avons mis fin à l'angoisse du cœur, et à ces mille tourmens, héritage naturel de la chair et du sang ! tel est le terme qu'il faut ardemment souhaiter Mourir… dormir… dormir ! Peut-être rêver… Ah ! C'est là la difficulté… Dans ce sommeil de la mort, quels rêves nous viendront, quand nous serons soustraits au tumulte de cette vie ? Voilà ce qui nous doit arrêter. Voilà le motif qui prolonge les calamités jusqu'au terme d'une longue vie ; car, qui voudrait supporter les fléaux et les injures du monde, les injustices de l'oppresseur, l'outrage de l'homme superbe, les douleurs de l'amour dédaigné, les délais des lois, l'insolence des magistrats, et les mépris que des gens infâmes font subir au mérite patient, lorsqu'on pourrait se donner toute quiétude avec le moindre fer aiguisé ? Qui voudrait porter ce fardeau, gémir et suer sous le poids de la vie, n'était la terreur de quelque chose après la mort ?… Cette contrée inconnue des bords de laquelle nul voyageur ne revient,… c'est là ce qui fait chanceler la volonté, et fait que nous aimons mieux supporter les maux que nous avons, plutôt que de fuir vers ceux que nous ne connaissons pas. Ainsi la conscience fait de nous autant de poltrons ; ainsi la couleur native de notre volonté s'évanouit devant la pâle teinte de la réflexion ; des résolutions d'un essor élevé et rapide se détournent de leur cours à cet aspect, et n'arrivent pas à mériter le nom d'action… Doucement, voici la belle Ophélia. Nymphe, fais mention de tous mes péchés dans tes oraisons. »

    (In : SHAKSPEARE, William. Œuvres complètes de Shakspeare, traduites de l'anglais par Letourneur. Nouvelle édition revue et corrigée par F. Guizot et A. P. traducteur de Lord Byron ; précédée d'une notice biographique et littéraire sur Shakspeare ; par F. Guizot. Paris : Ladvocat, 1821. 13 tomes (tome I : 387 p., tome II : 477 p., tome III : 491 p., tome IV : 461 p., tome V : 539 p., tome VI : 503 p., tome VII : 512 p., tome VIII : 485 p., tome IX : 496 p., tome X : 538 p., tome XI : 500 p., tome XII : 556 p., tome XIII : 431 p.). Tome I, p. 263-264 — Hamlet, acte III, scène I).

    Extrait de HAMLET ; traduction en français par Benjamin Laroche de cette même tirade de Hamlet (acte III, scène I) :

    « Être ou n'être pas, voilà la question ! — Une âme courageuse doit-elle supporter les coups poignants de la fortune cruelle, ou s'armer contre un déluge de douleurs, et, en les combattant, y mettre un terme ? — Mourir, — dormir, — rien de plus ; et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux souffrances du cœur et aux mille douleurs léguées par la nature à notre chair mortelle, — c'est là un résultat qu'on doit appeler de tous ses vœux. Mourir, — dormir, — dormir ! Rêver peut-être, — oui, voilà le point embarrassant ; savons-nous quels rêves nous viendront dans ce sommeil de la mort, après que nous aurons rejeté loin de nous une existence agitée ? Il y a là de quoi nous faire réfléchir. C'est cette pensée-là qui rend si longue la vie du malheureux. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les outrages du monde, l'injure de l'oppresseur, les affronts de l'orgueilleux, les angoisses d'un amour dédaigné, les lenteurs de la loi, l'insolence des gouvernants et les mépris que l'ignorant inflige au mérite patient, lorsqu'il suffirait de la pointe d'un poignard pour se donner le repos ? Qui voudrait se résigner à porter en gémissant le fardeau d'une vie importune, n'était la crainte de quelque chose par delà le trépas, ce pays inconnu duquel aucun voyageur n'est revenu encore ? Voilà ce qui ébranle et trouble la volonté ; voilà ce qui nous fait supporter nos douleurs présentes plutôt que de fuir vers d'autres maux que nous ne connaissons pas. Ainsi, la conscience fait des lâches de tous tant que nous sommes ; ainsi, sur la couleur éclatante de la résolution la réflexion projette sa teinte pâle et livide, et il suffit de cette considération pour détourner le cours des entreprises les plus importantes, et leur faire perdre jusqu'au nom d'action. — Taisons-nous ! J'aperçois la belle Ophélie ! — Jeune beauté, ayez souvenir de mes péchés dans vos prières. »

    (In : SHAKSPEARE, William. Œuvres complètes de Shakspeare. Traduction nouvelle par Benjamin Laroche. Édition illustrée de gravures sur bois, gravées par Deghouy sur des dessins originaux de Félix Barrias. Paris : Librairie de l'Écho de la Sorbonne, s.d. (probablement après 1856). Tome premier : 432 p. Tome deuxième : 456 p. Tome premier, p. 42 — Hamlet, acte III, scène I).


    Voici quelques considérations, relatives notamment à ce texte, extraites d'un ouvrage de M.-J. Baudry et P. Carraud :

    « Il est fréquent que chez l'animal se distinguent dans la meute, le groupe, plus ou moins restreint, plus ou moins permanent, des individus dominants. Ces individus, s'imposent à tous par ce que nous appellerons ici leur force ; et leur hégémonie dure ce que dure leur plus grande force. En cela réside, dans son expression la plus rudimentaire, la « loi aristocratique de la nature ». Ainsi des individus, souvent, chez l'homme comme chez l'animal, s'imposent d'une façon plus ou moins absolue au sommet d'une hiérarchie plus ou moins spontanée, dont les autres membres ne se partagent éventuellement que les minces restes d'un pouvoir chichement et soupçonneusement délégué, jalousement et soupçonneusement défendu. Mais il apparaît important de bien noter que les individus dominants ne peuvent relativement aisément (généralement) dominer qu'avec la « complicité » d'individus se soumettant sans beaucoup regimber, que de très nombreux individus, ce que tout observateur attentif peut constater fréquemment dans la vie en société, dans la vie professionnelle, ce qu'il doit, volens nolens, s'efforcer d'admettre, sont doués d'une grande propension à une soumission spontanée3.

    « « […] Y a-t-il plus de noblesse d'âme à subir — la fronde et les flèches de la fortune outrageante, — ou bien à s'armer contre une mer de douleurs — et à l'arrêter par une révolte ? […] — Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde, — l'injure de l'oppresseur, l'humiliation de la pauvreté, — […] les lenteurs de la loi, — l'insolence du pouvoir et les rebuffades — que le mérite résigné reçoit d'hommes indignes, — s'il pouvait en être quitte — avec un simple poinçon ? […] » 4. »

    Textes des notes de bas de pages nos 3 et 4 :

    « 3. Ce que certains auteurs au cours des âges constateront, ce sur quoi certains auteurs s'étonneront, ce sur quoi certains auteurs s'interrogeront, parmi lesquels nous pouvons mentionner Stanley Milgram, Étienne de La Boétie, Xénophon ; mais aussi William Shakespeare.

    « Cf. MILGRAM, Stanley. Soumission à l'Autorité. Paris : Calmann-Lévy, 1974. 268 p. (Liberté de l'Esprit).

    « Cf. LA BOÉTIE, Étienne de. Le Discours de la Servitude volontaire. Paris : Petite Bibliothèque Payot, 1976 (Rééd. 2002). 334 p.

    « Cf. XÉNOPHON. Traduction : TALBOT, Eugène. Œuvres complètes de Xénophon. Paris : Librairie de L. Hachette et Cie, 1867. 2 tomes. 583 p., 544 p.

    « Le texte de Xénophon nous intéressant le plus particulièrement en la matière est celui qui est intitulé dans cette traduction : « Cyropédie ou Éducation de Cyrus » (tome second, p. 191-431) ; en voici un court extrait :

    « « Mais quand nous eûmes considéré que jadis Cyrus le Perse eut sous sa domination une immense quantité d'hommes qui lui obéirent, une immense quantité de villes et une quantité de nations, nous fûmes obligé de changer d'avis et de reconnaître que ce n'est point une œuvre impossible, ni même difficile, de gouverner les hommes quand on s'y prend avec adresse. En effet nous savons que des hommes se sont empressés d'obéir à Cyrus, bien qu'éloignés de lui d'une marche d'un grand nombre de journées et même de mois, quelques-uns ne l'ayant jamais vu, et d'autres sachant qu'il ne le verraient jamais : et cependant ils voulaient être ses sujets. » (p. 192).

    « Xénophon d'Athènes (v. – 430,v. – 355) fut l'un des disciples de Socrate ; avec qui il aurait combattu comme hoplite dans l'armée athénienne à la bataille de Délium en 424 av.n.è., où Socrate lui aurait sauvé la vie. Plus tard, de retour d'Asie, il rédigera pour la défense posthume de Socrate l'« Apologie de Socrate » et les « Mémorables » (ou « Mémoires sur Socrate »). En 401 av.n.è. il rejoignit l'un de ses amis, Proxenos, en Asie, et se joignit à la troupe de mercenaires grecs au service de Cyrus-le-Jeune (N.B. : il ne s'agit pas là du Cyrus, Cyrus II-le-Grand, de la Cyropédie), fils de Darius II en lutte pour le pouvoir contre son frère Artaxerxès II Mnémon. Cyrus-le-Jeune fut défait et perdit la vie à la bataille de Cunaxa, dès 401. Artaxerxès fit assassiner les chefs des dix mille mercenaires grecs qui avaient servi son frère, qui se choisirent alors cinq généraux, et parmi eux Xénophon, pour conduire leur retraite. Xénophon nous contera l'aventure de cette retraite des Dix mille à travers l'Empire perse et jusqu'à la Mer Noire dans l'« Anabase » (ou « Expédition de Cyrus et retraire des Dix mille »). Ensuite il servit avec quelques milliers d'hommes le roi de Thrace, puis s'engagea sous les ordres du roi de Sparte Agélisas II, retourna en Asie, et combattit contre les Perses. La république d'Athènes le frappa d'une mesure d'exil et confisqua ses biens. Xénophon combattit dans les rangs spartiates contre les armées athéniennes à la bataille de Coroné (394 av.n.è.). Il se retira ensuite dans le domaine que Sparte lui avait octroyé, dans une de ses colonies, en Élide, à Scillunte (ou Scillonte). La révocation par les Athéniens de la mesure de bannissement prise à son encontre ne fut levée qu'en 369 av.n.è. Il est possible qu'il ne revint jamais à Athènes et mourut à Corinthe ; après avoir beaucoup vécu et beaucoup écrit.

    « 4. SHAKESPEARE, William. Traduction : HUGO, François-Victor. Œuvres complètes de W. ShakespeareTome 1Les deux Hamlet. Paris : Pagnerre, libraire-éditeur, 1859. 355 p.

    « Nous citons ci-dessus trois extraits (p. 238, 239) d'une célèbre tirade de Hamlet, dont voici l'intégralité :

    « « Être, ou ne pas être, c'est là la question. — Y a-t-il plus de noblesse d'âme à subir — la fronde et les flèches de la fortune outrageante, — ou -bien à s'armer contre une mer de douleurs — et à l'arrêter par une révolte ? Mourir… dormir, — rien de plus ; … et dire que par ce sommeil nous mettons fin — aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles — qui sont le legs de la chair : c'est à un dénoûment — qu'on doit souhaiter avec ferveur. Mourir… dormir, — dormir ! Peut-être rêver ! Oui, là est l'embarras. — Car quels rêves peut-il (sic) nous venir dans ce sommeil de la mort, — quand nous sommes débarrassés de l'étreinte de cette vie ? — Voilà qui doit nous arrêter. C'est cette réflexion-là — qui nous vaut la calamité d'une si longue existence. — Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde, — l'injure de l'oppresseur, l'humiliation de la pauvreté, — les angoisses de l'amour méprisé, les lenteurs de la loi, — l'insolence du pouvoir et les rebuffades — que le mérite résigné reçoit d'hommes indignes, — s'il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, — grogner et suer sous une vie accablante, — si la crainte de quelque chose après la mort, — de cette région inexplorée, d'où — nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, — et ne nous faisait supporter les maux que nous avons — par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? — Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; — ainsi les couleurs natives de la résolution — blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; — ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes, — se détournent de leur cours, à cette idée, — et perdent le nom d'action… Doucement, maintenant ! — Voici la belle Ophélia… Nymphe, dans tes oraisons — souviens-toi de tous mes péchés. »

    « Il pourra sembler à certaines personnes douteux que l'extrait de la tirade, tel que nous le citons, reflète tout à fait l'esprit qui ressort de l'intégralité de la dite tirade. Certes ; mais l'esprit qui apparaît au travers de l'extrait cité n'en demeure pas moins, le jugeons-nous, grandement significatif, et transparaît en filigrane au sein de toute la tirade en question ; et tout l'art de l'auteur réside en cette façon adroite de dire tout de même (s'il pouvait en être quitte par un simple coup de poignard !), ce qu'il ne pouvait, par élémentaire prudence, se permettre de dire ; il ne pouvait se permettre d'inciter même au tyrannicide du plus abject des maîtres, tout juste pouvait-il se permettre d'évoquer le suicide comme moyen éventuel de soustraction à l'adversité, pour aussitôt récuser ce choix pour d'évidentes raisons religieuses. »

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    N.B. : numérisation : Internet Archive - University of Ottawa (ouvrage du fonds de : Boston Public Library) ; téléchargement depuis : archive.org.

    THÉÂTRE — (++++) —

    Le tome premier comprend les pièces suivantes :

    Roméo et Juliette / Hamlet, prince de Danemark / Conte d'hiver / Le Marchand de Venise / Beaucoup de Bruit pour rien / Les Méprises / Peines d'amour perdues / Cymbéline / La Tempête / Les deux Gentilshommes de Vérone / Les joyeuses Commères de Windsor / La douzième Nuit, ou ce que vous voudrez / Mesure pour mesure / Othello, ou le Maure de Venise / Tout est bien qui finit bien / La Méchante mise à la raison / Macbeth / Troïle et Cressida.

    Le tome deuxième (et dernier) de cette édition, comprend les pièces suivantes :

    Le Roi Lear / Périclès, prince de Tyr / Comme il vous plaira / Coriolan / Jules César / Antoine et Cléopatre / Le Songe d'une nuit d'été / Timon d'Athènes / Le Roi Jean / Richard II / Henri IV / Henri V / Henri VI / Henri VI - IIe partie / Henri VI - IIIe partie / Richard III / Henri VIII.

    N.B. : cette édition par la Librairie de l'Écho de la Sorbonne de la traduction par Benjamin Laroche des œuvres de Shakspeare ne comporte pas la NOTICE SUR SHAKSPEARE, figurant dans l'édition de Charles Gosselin.

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    N.B. : numérisation : Internet Archive - University of Ottawa (ouvrage du fonds de : Boston Public Library) ; téléchargement depuis : archive.org.

    THÉÂTRE — (++++) —

    Le tome I comprend les textes suivants :

    Vie de Shakspeare / Vénus et Adonis / La Mort de Lucrèce / Choix de sonnets / Hamlet.

    Le tome II comprend les textes suivants :

    La Tempête / Coriolan / Jules César.

    Le tome III comprend les textes suivants :

    Antoine et Cléopâtre / Les Méprises / Macbeth.

    Le tome IV comprend les textes suivants :

    Timon d'Athènes / Le Songe d'une nuit d'été / Roméo et Juliette.

    Le tome V comprend les textes suivants :

    Othello / Les deux Gentilshomme de Vérone / Toïlus et Cressida.

    Le tome VI comprend les textes suivants :

    Le Roi Lear / Comme il vous plaira / Titus Andronicus.

    Le tome VII comprend les textes suivants :

    Beaucoup de bruit pour rien / Cymbeline / La douzième Nuit, ou Ce que vous voudrez.

    Le tome VIII comprend les textes suivants :

    La Vie et la mort du roi Jean / Mesure pour mesure / Le Conte d'hiver.

    Le tome IX comprend les textes suivants :

    La Vie et la mort de Richard II / La méchante Femme / Tout est bien qui finit bien.

    Le tome X comprend les textes suivants :

    Henri IV, première partie / Henri IV, seconde partie / Les joyeuses Bourgeoises de Windsor.

    Le tome XI comprend les textes suivants :

    Henri V / Henri VI, première partie / Henri VI, deuxième partie.

    Le tome XII comprend les textes suivants :

    Henri VI, troisième partie / Richard III / Peines d'amour perdues.

    Le tome XIII comprend les textes suivants :

    Henri VIII / Périclès / Le Marchand de Venise.

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    N.B. : numérisation : Internet Archive - University of Ottawa (ouvrage du fonds de : University of Toronto Library) ; téléchargement depuis : archive.org.

    THÉÂTRE — (++++) —

    Cette édition comprend une traduction en français des deux pièces suivantes seulement : d'abord Macbeth, ensuite Hamlet.

    N.B. : cette édition ne comporte aucune notice sur la vie ou l'œuvre de William Shak(e)speare.

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    N.B. : numérisation : Internet Archive - Microsoft Corporation (ouvrage du fonds de : University of California Libraries) ; téléchargement depuis : archive.org.

    THÉÂTRE — (++++) —

    Table des matières de cet ouvrage :

    — Introduction to Macbeth (p. 9) : The History of the Play (p. 9), The Historial Sources of the Play (p. 12), Macbeth and Lady Macbeth (p. 15) ;

    — Macbeth (p. 43) : Act I (p. 45), Act II (p. 67), Act III (p. 83), Act IV (p. 105), Act V (p. 128) ;

    — Notes (p. 149) ;

    — Appendix (p. 282) : Comments of Some of the Characters (p. 282), The Time-Analysis of the Play (p. 296), List of Characters in the Play (p. 299) ;

    — Index of Words and Phrases explained (p. 301).

    Extrait (en anglais) de l'ouvrage — Macbeth, Act I, Scene VII :

    « Macbeth. We will proceed no further in this business.
    He hath honour'd me of late ; and I have bought
    Golden opinions from all sorts of people,
    Which would be worn now in their newest gloss,
    Not cast aside so soon.

    « Lady Macbeth.            Was the hope drunk
    Wherein you dress'd yourself ? hath it slept since ?
    And wakes it now, to look so green and pale
    At what it did so freely ? From this time Such
    I account thy love. Art thou afeard
    To be the same in thine own act and valour
    As thou art in desire ? Wouldst thou have that
    Which thou esteem'st the ornament of life,
    And live a coward in thine own esteem.
    Letting ' I dare not ' wait upon ' I would, '
    Like the poor cat i' the adage ?

    « Macbeth.                               Prithee, peace !
    I dare do all that may become a man ;
    Who dares do more is none.

    « Lady Macbeth.                   What beast was 't then
    That made you break this enterprise to me ?
    When you durst do it, then you were a man ;
    And, to be more than what you were, you would
    Be so much more the man. Nor time nor place
    Did then adhere, and yet you would make both ;
    They have made themselves, and that their fitness now
    Does unmake you. I have given suck, and know
    How tender 't is to love the babe that milks me.
    I would, while it was smiling in my face,
    Have pluck'd my nipple from his boneless gums
    And dash'd the brains out, had I so sworn as you
    Have done to this.

    « Macbeth.             If we should fail ?

    « Lady Macbeth.                                 We fail.
    But screw your courage to the sticking-place,
    And we 'll not fail. When Duncan is asleep
    Whereto the rather shall his day's hard journey
    Soundly invite him — his two chamberlains
    Will I with wine and wassail so convince
    That memory, the warder of the brain,
    Shall be a fume, and the receipt of reason
    A limbeck only. When in swinish sleep
    Their drenched natures lie as in a death,
    What cannot you and I perform upon
    The unguarded Duncan ? what not put upon
    His spongy officers, who shall bear the guilt
    Of our great quell ?

    « Macbeth.              Bring forth men-children only ;
    For thy undaunted mettle should compose
    Nothing but males. Will it not be receiv'd,
    When we have mark'd with blood those sleepy two
    Of his own chamber and us'd their very daggers,
    That they have done't ?

    « Lady Macbeth.          Who dares receive it other,
    As we shall make our griefs and clamour roar
    Upon his death ?

    « Macbeth.          I am settled, and bend up
    Each corporal agent to this terrible feat.
    Away, and mock the time with farest show ;
    Falce face must hide what the false heart doth know.

                                                                   « [Exeunt. »

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    N.B. : numérisation : Internet Archive - Microsoft Corporation (ouvrage du fonds de : University of California Libraries) ; téléchargement depuis : archive.org.

    THÉÂTRE — (++++) —

    Table des matières de cet ouvrage :
    — Introduction to Hamlet (p. 9) : I. The History of the Play (p. 9), II. The Sources of the Plot (p. 12), III. Critical Comments of the Play (p. 14) ;
    — Hamlet (p. 43) : Act I (p. 41), Act II (p. 70), Act III (p. 93), Act IV (p. 122), Act V (p. 144) ;
    — Notes (p. 167) ;
    — Addenda (p. 277) ;
    — Index of Words and Phrases explained (p. 281).

    Extrait (en anglais) de l'ouvrage…
    Hamlet, Act III, Scene I :

    « Hamlet.    To be, or not to be, — that is the question :

    Whether't is nobler in the mind to suffer
    The slings and arrows of outrageous fortune,
    Or to take arms against a sea of troubles,
    And by opposing end them ? To die, — to sleep, —
    No more ; and by a sleep to say we end
    The heart-ache and the thousand natural shocks
    That flesh is heir to, — 't is a consummation
    Devoutly to be wish'd. To die, — to sleep, —
    To sleep ! perchance to dream ! ay, there 's the rub :
    For in that sleep of death what dreams may come
    When we have shuffled off this mortal coil,
    Must give us pause : there's the respect
    That makes calamity of so long life ;
    For who would bear the whips and scorns of time,
    The oppressor's wrong, the proud man's contumely,
    The pangs of dispriz'd love, the law's delay,
    The insolence of office, and the spurns
    That patient merit of the unworthy takes,
    When he himself might his quietus make
    With a bare bodkin ? who would fardels bear,
    To grunt and sweat under a weary life,
    But that the dread of something after death,
    The undiscover'd country from whose bourn
    No traveller returns, puzzles the will,
    And makes us rather bear those ills we have
    Than fly to others that we know not of ;
    Thus conscience does make cowards of us all ;
    And thus the native hue of resolution
    Is sicklied o'er with the pale cast of thought,
    And enterprises of great pith and moment
    With this regard their currents turn awry,
    And lose the name of action. — Soft you now !
    The fair Ophelia ! — Nymph, in thy orisons
    Be all my sins remember'd. »

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    Gravure (l'illustrateur ne nous est pas connu) extraite de l'ouvrage du tome 4 de l'édition complète des œuvres de Shakspeare par Charles Gosselin (traduction de B. Laroche), évoquant Le Roi Lear (acte III, scène IV).

    « LE ROI LÉAR.
    Acte III - Sc. IV »

    L'illustration de ces paragraphes,
    consacrés à W. Shakspeare, est extraite de :
    SHAKSPEARE, William.
    Œuvres complètes de Shakspeare.
    Traduction nouvelle par Benjamin Laroche.
    Paris : Librairie de Charles Gosselin, 1843.
    (Cette édition comprend 7 tomes).
    La planche hors texte de cette gravure se trouve
    entre les p. 182 et 183 du tome 4.
    La gravure évoque Le Roi Léar (acte III, scène IV).
    Il s'agit de la reproduction d'un tableau de Benjamin West
    peint en 1788, King Lear in the Storm (Le roi Lear dans la tempête).

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  • Auteur : Xxx (auteur anonyme de l'Antiquité tardive ; et… Louis Pierre Antoine Havet).
  • THÉÂTRE - ESSAI — (+++++) —

    Extrait n°1 ; texte de l’Avertissement (p. V-VI de l’ouvrage) :

    « Ce livre a pour objet principal la restitution complète d’un texte latin, écrit originairement en vers, mais qui fut transformé en prose au commencement du moyen âge par le fait d’un copiste. Un tel travail est nécessairement sujet a de très-nombreuses incertitudes ; les personnes qui liront ce que j’ai dit a cet égard (pages 43 à 46) verront que je n’ai cherchè a faire illusion ni à moi-même ni aux autres. Ce que j’ai essayé de fournir aux lecteurs du Querolus, c’est un modeste « premier débrouillement » ; plus j’aurai pu réussir dans cette tentative, et plus les fautes que j’ai commises seront faciles à voir.

    « Au texte il était naturel de joindre une étude littéraire. Une étude développée et détaillée eut exigé un volume, car le Querolus est une des œuvres les plus intéressantes de la basse époque. Je me suis borné a dire en vingt pages ce qui m’a paru le plus nécessaire. Je me suis renfermé dans l’examen de la pièce en elle-même ; je n’ai point cherché à esquisser l’histoire du genre dramatique sous l’empire, parce qu’à vrai dire les renseignements sur la comédie romaine font à peu près complétement défaut à partir du règne d’Auguste. D’autres chapitres encore manquent dans le livre ; ainsi il eut été curieux d’y étudier le remanîment de Querolus en distiques par Vital de Blois ; la piece elle-même eut gagne à être accompagnée d’un commentaire perpétuel. Mais quand j’ai entrepris mon travail il m’a fallu renoncer vite a l’ambition d’être complet.

    « Le Querolus n’avait jamais été traduit en français, et c’était dommage, car l’auteur inconnu qui l’a composé était un homme plein de talent, de goût et d’esprit. Au milieu du travail pénible que m’a coûté mon texte latin, tout parsemé de chiffres et de signes, je me suis laissé aller au plaisir d’écrire une version française, moitié par curiosité littéraire, moitié par délassement et par paresse ; je l’ai fait imprimer avec le texte (sur les pages mêmes hérissées de cette algèbre), afin de ne pas paraître plus dur pour le lecteur. »

    Extrait n°2 ; Chapitre I, p. 2 :

    « Non-seulement le Querolus n’est pas de Plaute, comme l’atteste l’auteur lui-même quand il dit que Plaute est son guide (2), mais il n’appartient pas a l’âge archaïque de la littérature latine. Cicéron y est expressément cite, ainsi qu’Apicius (3) ; on y trouve des allusions à des passages de Virgile (4), de Sénèque (5), de Martial (6), de Juvénal (7). Il y a plus : de nombreux indices, à défaut de preuves, établissent que ce texte appartient a l’époque du bas empire. Sans doute il ne contient aucune trace de doctrine chrétienne, quoi qu’on en ait pu dire, mais l’ensemble des idées est tel qu’on peut se le figurer au déclin du paganisme : une part considérable est faite à la magie et à l’astrologie ; la dissertation du fourbe Mandrogéronte sur les cynocéphales (8) atteste une diffusion notable des cultes égyptiens ; il n’est question ni de Jupiter ni de Mercure autrement que comme de deux planètes (9), et l’on ne rencontre pas dans toute la pièce, bien que l’occasion n’eut pas manque et que l’auteur eut un précédent dans la Marmite de Plaute (10), la moindre invocation a Laverna ; les personnages, qui sont loin pourtant d’avoir l’esprit philosophique, parlent au singulier de « la divinité » (11) comme, à la fin de la république ou sous les premiers empereurs, eut pu seul le faire un philosophe de profession ; enfin le deus ex machina qui gouverne toute l’intrigue, le Lare domestique de Querolus, prend son rôle de dieu fort peu au sérieux et appartient à une mythologie morte. Une allusion à des brigands établis au bord de la Loire (12) parait se rapporter a ces bandes de paysans révoltés, les Bagaudae, qui à diverses reprises ont ravagé la Gaule de la fin du troisième siècle à la fin du cinquième. »

    N.B. : nous ne reproduisons pas ici les notes de bas de pages du texte cité.


    Dans son travail Juan Carlos Sánchez León nous livre de précieux renseignements quant au milieu au sein duquel fut très probablement rédigé le texte du Querolus

    Citation n°1 de « Les Sources de l'histoire des bagaudes – Traduction et commentaire », p. 78-86 :

    « Le Querolus sive Aulularia est une comédie de mœurs et de situation écrite à la manière de Plaute, qui dépeint essentiellement la décadence de la société impériale au début du Vᵉ siècle, et qui est destinée vraisemblablement à l’aristocratie du sud de la Gaule. Il s’agit d’un ouvrage qui pose des problèmes complexes quant à la datation, l’attribution, la dédicace…12. L’auteur semble être un exfonctionnaire ayant de profondes connaissances juridiques qui appartient à l’entourage de Rutilius Namatianus, contemporain des événements armoricains du début du Vᵉ siècle. Il est possible qu’il écrive d’un endroit proche de Bordeaux, puisque pour un habitant de cette région la mention ad Ligerem fait certainement allusion à la Loire Inférieure13, les côtes armoricaines dont la pacification est décrite par Rutilius Namatianus. Récemment, L. Hermann a proposé d’identifier le fabuliste Caius Laetus Avianus comme l’auteur de cette comédie ; jadis, la pièce avait été attribuée à Palladius de Ostia, Gildas Badonicus, Axius Paulus, à R. Namatianus lui-même…14. Ces identifications ne semblent pas complètement sûres. D’autre part, il est difficile de déterminer la date exacte de la composition, car elle dépend en grande mesure de la datation de l’hymne de Rutilius Namatianus. En ce sens, il est probable que le tableau fait par l’auteur sur la situation de la Loire correspond au moment crucial du soulèvement armoricain (peut-être 414-417), tandis que Rutilius décrit déjà la répression de ce soulèvement (417). Finalement, la question de la dédicace est pratiquement insoluble. Depuis l’édition princeps de P. Daniel on a parfois identifié le Rutilius auquel est dédié le travail avec R. Namatianus (Havet, Herrmann, Boano, Lana, Küppers), relation que rejette Suess15. Pour R. Dezeimeris, la dédicace est adressée au père de Namatianus, le Rutilius auquel Ausone fait allusion dans une lettre à Tetradius, dont l’entourage poitevin est rattaché à l’école littéraire de Saintes… ; dernièrement, Alessandro Fo a de nouveau identifié le Rutilius de la dédicace avec R. Namatianus16.

    « Les spécialistes sont d’accord pour considérer comme Bagaudes les paysans signalés dans le texte du Querolus, mais ils ont beaucoup discuté sur la forme de justice administrée par les paysans dans la Loire.

    « Le passage s’inscrit dans le dialogue entre le Lare et Querolus, une sorte de diatribe sur les richesses qui forme la première partie de la pièce. Le Lare a déjà proposé à Querolus la possibilité de choisir son destin. Querolus souhaite en premier lieu les richesses et honneurs des militaires ; le Lare les rejette parce que Querolus n’est pas versé dans l’art de la guerre. Querolus veut ensuite quelque emploi civil, mais le Lare lui refuse le poste de fonctionnaire. Le troisième désir de Querolus est alors d’être « un homme privé, mais puissant » ; il prétend pouvoir spolier ceux qui ne lui doivent rien, tuer ceux qui ne sont pas ses proches et spolier et tuer ses voisins. Le Lare lui reproche alors non pas de réclamer le pouvoir mais d’exercer le banditisme, et il lui recommande d’aller sur les bords de la Loire. Les gens vivent là-bas selon le ius gentium ; il n’y a pas là de raffinement, les sentences capitales sont prononcés sous un chêne et écrites sur des os ; là les paysans sont avocats, les particuliers jugent ; là, tout est permis. Si tu es riche (dit le Lare) on t’appellera patus car ainsi parlent les Grecs de cette région… Querolus répond qu’il n’est pas riche, qu’il ne veut pas utiliser les chênes et qu’il rejette cette « justice des forêts ». Le Lare lui conseille, enfin, de chercher ailleurs s’il veut trouver un métier plus “honorable” que celui du brigand sauvage. Il s’agit donc d’un portrait de la structure de la « société bagaudique » de la Loire au début du V siècle.

    « En 1829, Klinkhamer estimait que les expressions « droit des gens » et « là des sentences capitales sont rendues de sous un chêne » peuvent signifier que, là-bas, il n’existait aucune sorte de droit et que les peines dictées étaient suivies de coups de bâton de chêne sur la tête et les os du délinquant (Suess et Gaiser ont la même opinion)17 ; il s’agirait donc d’une justice de lynchage. P. Thomas a donné en 1909 une interprétation sans doute mieux fondée : les paysans avaient repris les coutumes primitives et avaient organisé une justice rudimentaire, dans laquelle les sentences se faisaient sous un chêne et les peines étaient écrites ou gravées sur des os d’animaux à défaut de plaques de bronze, de pierre, de bois… (Emrich a proposé une interprétation semblable « là-bas, on dicte les peines capitales dans le chêne vert et on les signe sur les os”)18. En 1933, F. L. Ganshof manifesta un point de vue différent sur la question lorsqu’il proposa d’associer ce fragment aux coutumes et aux usages juridiques germaniques, tels ceux des Alains fédérés établis en 442 en Armorique par Aetius19 ; cette opinion de Ganshof a été peu suivie par les historiens.

    « D’après Küppers, ius gentium signifie approximativement « droit de la tribu », terme utilisé par l’auteur du Querolus dans le sens du droit commun à tous les peuples20. Pour Lana, il faut considérer dans le Querolus l’antithèse entre l’appareil judiciaire romain, raffiné, et la « plus grande simplicité dans la procédure » que présente la justice des paysans : 1) on ne trouve pas les artifices des avocats 2) pour la peine capitale, on procède d’une manière primitive 3) les paysans exercent en même temps la défense et 1’ accusation et des personnes privées dictent les peines à la place des fonctionnaires 4) là-bas, on peut s’attendre à tout, l’anarchie règne21.

    « Par contre, selon Küppers, ces iura silvestria et leurs usages juridiques primitifs, que l’auteur du Querobus tient pour barbarie et injustice du point de vue du ius civile, reflètent une situation particulière dans la Loire, différente de la simple absence de loi ; cet auteur estime qu’il faut relier ces usages juridiques à une « fédération d’états autonomes » en Armorique vers 410 plutôt qu’aux mouvements bagaudiques (selon Zosime les Armoricains expulsèrent l’autorité romaine et s’octroyèrent leur propre constitution)22. Au dire de cet auteur, la phrase suivante confirme sa théorie : « si vous êtes riche, on vous appellera un “gros” (patus). Tel est le langage de notre Grèce ». À nouveau, l’interprétation du passage est compliquée. Le mot grec patus est en quelque sorte pris pour dives (riche), et il a dans la langue gauloise une connotation vulgaire et probablement injurieuse23. Néanmoins, d’après Küppers, la clé se trouve dans la réponse de Querolus : « d’abord il n’est pas riche, ainsi il lui manque… la condition pour exercer la force et le pouvoir en s’appuyant sur la richesse… d’autre part, il faut voir dans l’expression patus une désignation positive pour la place du pouvoir ou la fonction politique du dives dans la fédération d’états avec administration de justice autonome décrite dans la région de la Loire"24. Küppers admet avec Gaiser que patus est une acception gallique du mot grec hupatos, mot qui démontre non seulement la décadence du langage et de la culture dans la région de la Loire, mais également la détérioration du pouvoir politique par le biais de la corruption, puisque si quelqu’un est riche, il est aussi puissant (patus = chef) et reçoit la dénomination de puissant25 ; Gaiser estime également qu’ici on fait allusion au rôle des riches dans le mouvement bagaude, ce qui serait en tout cas plus adéquat. À mon avis, les iura silvestria des paysans sont difficilement applicables à un “État” armoricain quasiindépendant (Zosime), qui fut conduit par l’élite romanisée. Il n’y a pas d’expressions positives dans ce passage : l’auteur rapporte avec ironie la situation de barbarie culturelle (« Tel est le langage de notre Grèce ») et juridique (illégalité) provoquée par les paysans en révolte, telle qu’elle était perçue par les groupes dirigeants cultivés. »

    N.B. : nous ne reproduisons pas ici les notes de bas de pages du texte cité.

    Citation n°2 de « Les Sources de l'histoire des bagaudes – Traduction et commentaire », p. 147-148 :

    « 2 - LES BAGAUDES EN GAULE AU DÉBUT DU Ve SIÈCLE

    « […]

    « 8. ANON., Querolus sive Aulularia, Acte I, Scène 2 :

    « Le Grognon : … Donc, si tu as quelque pouvoir, Lare familial, fais en sorte que je sois un homme privé, mais puissant.

    « Le Lare : Quelle sorte de puissance demandes-tu ?

    « Le Grognon : Qu'il me soit permis de dépouiller ceux qui ne sont pas mes débiteurs, de battre ceux qui me sont étrangers et, quant à mes voisins, de les battre et de les dépouiller en même temps.

    « Le Lare : Ah ! ah ! ah ! C'est le brigandage et non la puissance que tu demandes ! Dans ces conditions j'ignore, par Pollux, comment cela pourrait t'être accordé. Pourtant j'ai trouvé : aies ce que tu souhaites. Va vivre aux rives de la Loire.

    « Le Grognon : Et puis ?

    « Le Lare : Là on vit selon le droit des gens, là il n'y a nul cérémonial, là les sentences capitales sont rendues de sous un chêne et écrites sur des os ; là même les paysans peuvent plaider et les particuliers juger ; là tout est permis. Si vous êtes riche, on t'appellera un "gros". Tel est le langage de notre Grèce ! Ô forêts, ô solitudes qui donc vous a dites libres ? Bien plus grave encore est ce que nous taisons, mais, en attendant, ceci suffit.

    « Le Grognon : Je ne suis pas riche et je ne veux pas de cette justice forestière.

    « Le Lare : Demande alors quelque chose de plus doux et de plus honorable, si tu ne peux te quereller42. »

    Note n°42 du bas de la page 147 (se poursuivant au bas de la page 148) :

    « 42. Texte traduit par L. Herrmann, Avianus. Œuvres, Coll. Latomus 95, Bruxelles, 1968 (Querolus : pp. 74-167), 94-96 : Querolus :… si quid igitur potes, Lar familiaris, facito ut sim priuatus et potens. Lar : Potentiam cuiusmodi requiris ? Quer. : Vt liceat mihi spoliare non debentes, caedere alienos, uicinos autem et spoliare et caedere. Lar : Ha, ha, ha, latrocinium, non potentiam requiris. Hoc modo nescio edepol quemadmodum praestari hoc possit tibi. Tamen inueni : habe quod exoptas. Vade : ad Ligerem uiuito. Quer. : Quid tum ? Lar : Illic iure gentium uiuunt homines ; ibi nullum est praestigium ; ibi sententiae capitales de robore proferuntur et scribuntur in ossibus ; illic etiam rustici perorant et priuati iudicant, ibi totum licet : si diues fueris, pacus apellaberis : sic nostra loquitur Graecia ! O siluae, o solitudines, quis uos dixit liberas ? Multo maiora sunt quae tacemus. Tamen interea hoc sufficit. Quer. : Neque diues ego sum neque robore uti cupio. Nolo iura haec silvestria. Lar : Pete igitur aliquid mitius honestiusque, si iurgare non potes. »


    Extrait n°3 (Appendice justificatif ; Texte et traduction), p. 217 (traduction par L. Havet du passage dont ci-dessus vous pouvez lire, par L. Herrmann, une autre traduction) :

    « QUÉROLUS. […] Tiens, si tu as quelque pouvoir, ô mon Lare, accorde-moi d’être un simple particulier et en même temps un homme puissant.

    « Le Lare. Cette puissance, de quelle sorte la veux-tu ?

    « QUÉROLUS. Je voudrais pouvoir dépouiller ceux qui ne me doivent point, battre ceux qui ne sont point mes gens ; et quant à mes voisins, je voudrais à la fois les dépouiller et les battre.

    « Le Lare, riant. Ha ! ha ! ha ! c’est le brigandage, ce n’est pas la puissance, que tu demandes ainsi. Par ma foi, je ne sais de quelle façon l’on pourrait te faire ce plaisir. (Il réfléchit.) — Voici pourtant ; j’ai trouvé ; tu as ton affaire. Va-t-en vivre aux bords de la Loire.

    « QUÉROLUS. Et après ?

    « Le Lare. Là vivent des gens qui suivent le droit naturel. Là il n’y a point de grimace, là on rend des sentences capitales sur un tronc de chêne, et on en écrit le texte sur les os du patient ; là les paysans sont avocats et les particuliers sont juges ; là tout est permis. Si tu es riche …….. (lacune), on t’appellera Patus (1) : ainsi parlent les Athéniens de ce pays-ci. Ô forêts, ô solitudes ! qui n’a point prétendu que vous étiez libres ? Il y a bien d’autres choses que je ne te dis pas : mais en voilà assez pour te renseigner.

    « QUÉROLUS. Je ne suis point riche, et je n’ai que faire des troncs de chêne. Je ne me soucie pas de cette juridiction dans les bois.

    « Le Lare. Hé bien, choisis quelque chose de plus innocent et de plus honorable, si ces procès-là te font peur. »

    N.B. : nous ne reproduisons pas ici la note de bas de pages du texte cité.

    Extrait n°4 ; texte de l’Argumentum / Argument (p. 180-182 de l’ouvrage) :

    « ARGUMENT

    « Voici le sujet. Quérolus, notre héros, eut l’avare Euclion pour père. Celui-ci avait jadis enfermé un amas d’or dans une urne sépulcrale, comme si c’eussent été les cendres de son père, en ayant soin de verser dessus des parfums et d’inscrire au dehors une épitaphe. Sur le point de s’embarquer pour un voyage, il enterra l’urne dans le sol, chez lui, sans rien découvrir à personne ; puis, se trouvant prés de mourir au loin, il choisit un parasite, dont il avait fait la connaissance dans son voyage, pour l’instituer cohéritier de son fils Quérolus ; ce qu’il fit par un écrit secret (2), et à la condition de révéler a Quérolus la cachette du trésor en toute honnêteté. Le vieillard ne désigna du trésor que l’emplacement : il ne songea pas à son stratagème. Le parasite s’embarque, se rend auprès de Quérolus, et viole sa promesse. Il se donne pour un magicien, pour un astrologue, et, aussi expert à se déguiser qu’un voleur peut l’être, il profite de ce que son patron l’avait renseigné sur l’intérieur de Quérolus pour en parler en divinateur. Quérolus lui donne sa confiance, et lui demande assistance pour purifier sa maison ; le parasite magicien la purge et la nettoie en vérité. Mais ensuite, quand il se trouve libre d’examiner l’urne dérobée, il devient dupe de l’ancienne ruse d’Euclion. Il voit les apparences d’une sépulture ; il y est pris, et se croit mystifié. Il veut du moins tirer de sa déception quelque vengeance : il prend l’urne, retourne chez Quérolus, s’approche habilement sans bruit, et par la fenêtre lance l’urne dans la maison. L’urne tombe en morceaux, et les cendres se métamorphosent en or. Ainsi, contre toute apparence de vraisemblance et de raison, notre homme prit ce qui lui était caché et rendit ce qu’il avait pris. Instruit de ce qu’il a fait, le parasite revient en hâte réclamer sa part d’héritage : mais comme il lui faut avouer ce qu’il a emporté, sans établir qu’il ait rien rapporté, il s’entend accuser d’abord de vol, puis, par surcroît, de violation de sépulture. Enfin, l’un redevient maître et l’autre parasite : ainsi, selon sa destinée et selon ses mérites, chacun est remis à sa place. »

    N.B. : nous ne reproduisons pas ici la note de bas de page du texte cité.

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